Yannick Jaulin

Pour en savoir plus sur Yannick Jaulin, son histoire, son univers, le travail de sa compagnie, ses liens artistiques...

Yannick Jaulin

Yannick Jaulin

auteur, acteur, conteur

Son art suit le tracé d’un chemin intérieur. Une quête vers soi dont il extrait ce qui pourrait entrer en résonance avec l’autre. Là est la contribution de Yannick Jaulin, son travail, son œuvre : aller vers ce qui est, se défaire de ses amarres, faire le récit de ses errances, de ses révélations et peut-être ainsi, aider les gens à faire de même, comme une tentative de réparation pour celui qui a « le désir incurable de guérir le monde ». Cette voie qui éclaire la part sombre en chacun, « à la fois au-dessus des terres et dans les caves du monde », qui se dresse sur une ligne de crête entre pulsion de vie et pulsion de mort, qui invoque le merveilleux ; cette voie donc, est à la fois le motif principal du conte et un véritable chemin existentiel.

Auteur, il collecte et écrit des histoires plus vastes qu’elles-mêmes, qu’il transmet lorsqu’il endosse la fonction du conteur, cet intermédiaire d’une mythologie dont l’universalité se loge dans l’intime, ce colporteur de paroles dont l’humour décale la pensée pour y déceler ce qu’elle dissimule. Conter, c’est transmettre des outils émancipateurs : être ce médiateur qui, par des histoires aussi ordinaires qu’invraisemblables, tend à faire entendre ce qu’il y a au-delà des discours institués. C’est aussi œuvrer à tisser la conscience collective – et son inconscient – qui, à travers ses récits symboliques, trame de générations en générations, des ressources pour accueillir la mort, dépasser la peur, consoler la mélancolie et rencontrer l’autre. Cet outillage à la marge du système scolaire et des savoirs disciplinaires, délivre une connaissance intuitive de la chair, des sens et des émotions dont nous sommes faits.

Yannick Jaulin s’attelle à « être dans le réel, à faire résonner l’actualité du monde avec des paroles mythologiques et des récits allégoriques. » À travers le verbe, ce sont les notions de territoire – psychique comme géographique – et d’appartenance à une communauté de valeurs qu’il saisit lorsqu’il interroge la survivance des origines face à la globalisation ; aborde la place du mythe, de la fabulation et de la croyance dans l’édification des imaginaires, des identités et du monde tel qu’il est ; développe une histoire de la domination linguistique en plaidoyer pour les langues minoritaires[1] ; ou bien, au plus proche de chacun, aborde l’incapacité à vivre l’amour lorsqu’on n’a jamais appris à le dire, à mettre en mots l’émotion et par là-même, à savoir ce que c’est, que l’éprouver[2]. En fouillant ce que la ruralité fait de l’amour, en remontant le fil des générations, il trouve la voie de la réconciliation. Croisant les histoires collectées et les documents compilés, la fable, qu’elle soit divertissante ou édifiante, est le support d’une considération sur la place du langage dans le déterminisme social, sur la construction du libre-arbitre et son expression.

Au sein de la société, Yannick Jaulin perpétue la nécessité de l’oralité – cette forme primitive d’enseignement – en proximité directe avec ceux à qui il s’adresse. Qu’il soit, auprès d’un public, porte-parole des voix et des langues oubliées ou, auprès d’un artiste, transmetteur d’un savoir-faire ; qu’il parcourt les foires ou les institutions nationales, il chatouille le nombril d’un monde « que nous nous acharnons à construire le jour et détruire la nuit ». Puisque, dit-il, « nous sommes tous nés d’un récit », il défend « le récital d’histoires comme art populaire, porteur d’une capacité métaphysique à rendre l’humain à lui-même. »

L’artiste non-nombriliste est le chercheur inlassable d’un épicentre commun, dont la quête met en tension les polarités terrestre et cosmique, naturaliste et mystique, pragmatique et philosophique, autour d’une question première : des origines à nos devenirs, quels animaux imaginatifs sommes-nous ?

[1] Ma langue maternelle va mourir et j’ai du mal à vous parler d’amour

[2] Causer d’amour

Écriture et jeu

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Yannick Jaulin est un porte-parole dont le travail se situe à la croisée du réel, des imaginaires et du merveilleux, du documentaire et de la fiction. Il mêle à la littérature orale, l’écriture née de collectages, la conjonction des mythes et des thèmes contemporains et l’hybridation des disciplines – conte, théâtre, musique, arts de la rue et arts visuels.

 

Né à Aubigny, il sillonne adolescent les chemins buissonniers de Vendée pour recevoir le savoir des anciens dans le parlanjhe qui est le sien. Durant dix ans, il collecte « la culture des gens de la vie » et, à travers ces contes et ces chants en langue d’oïl – le poitevin-saintongeais, considéré aujourd’hui par l’Unesco parmi les langues en danger – il forge peu à peu un rapport au monde qui, du plus proche, s’adresse au plus lointain. En observant cet environnement local affectif, social et politique, en écoutant les récits intimes de ceux à qui la parole publique n’est pas accordée, il témoigne des processus de dominance globalement à l’œuvre.

 

Après un premier groupe de rock en parlanjhe, toujours accompagné de musiciens sur scène, il endosse la fonction du conteur. Conteur des histoires qu’on lui confie comme de celles qu’il crée et de celles qu’il vit – pouvant être indéfinissablement véritables croyances ou vérités illusoires. Il transpose à l’art du conte la dramaturgie théâtrale et renouvelle le genre en développant un récit-cadre dans lequel s’enchâssent les autres. Il invite à réconcilier les vivants et les morts[1] ; à honorer le « beau mensonge », la fabulation qui mène au rêve et à la réinvention[2] ; à réaliser ce en quoi le désir de « sauver le monde » peut mener aveuglément, à la dérive dogmatique[3] ; et à un manifeste contre la standardisation linguistique[4]. Lorsqu’il retrouve l’improvisation, il se raconte en creux[5] ; clame que Nous sommes tous nés d’un récit[6] et interroge les mythologies religieuses fondatrices, mortifères lorsqu’elles sont réduites à une vérité[7].

 

En 2016, il pose les jalons d’une recherche autour de la transmission à travers le prisme de la langue qui deviendra un diptyque bilingue en deux volets créé en 2018 – Ma langue mondiale composé de Ma langue maternelle va mourir et j’ai du mal à vous parler d’amour avec son complice et musicien béarnais Alain Larribet et de Causer d’amour mis en scène par Philippe Delaigue avec le duo à cordes formé de Morgane Houdemont et Joachim Florent. En 2017, il réalise avec Patrick Lavaud un documentaire sur la langue de ses parents : Parlae parlanjhe, qui accompagne ce diptyque commencé par une traversée avec un âne et un cheval en terres natales, dont il publie un livre Voyage à pas d’âne illustré par les photos de Eddy Rivière.

En 2020, il forme le groupe Jaulin et le Projet Saint Rock avec Régis Boulard, Nicolas Meheust et Pascal Ferrari et sort l'album Dans les arantèles en 2022. Il monte ce groupe pour « jardiner sa langue », comme le demandait Joachim Du Bellay à propos du français à la fin du XVI siècle, pour la travailler au corps, à l’estime d’elle, à faire terluzer ses mots, et regouler des images.

Comme des ponctuations qui nuancent le sens de son parcours, il joue au théâtre sous le regard de Wajdi Mouawad dans Forêts – 2006 et, passionné par le rapport du texte et de la musique, il collabore avec Martin Matalon, Ars Nova, Andy Emler Trio, Kent, Da Silva et L’Auvergne imaginée. En 2009, il accompagne Sébastien Bertrand, auteur-compositeur-interprète et accordéoniste de Vendée, parti sur les traces de son identité dans un orphelinat de Beyrouth. Le voyage a donné naissance à un spectacle et un livre éponyme, co-écrits par Yannick Jaulin et Sébastien Bertrand (Chemin de la  belle étoile, Les ateliers du Cèdre, 2011). Depuis 1988, il collabore à la mise en scène ou l’écriture des spectacles d’artistes dont Titus, Sarclo et Sandrine Bourreau et, récemment, écrit une pièce pour Angélique Clairand et Valérie Puech, Les Oisives – 2016. À partir de 2022 il tient le rôle de Tartuffe dans la pièce Le Tartuffe ou l'Hypocrite de Molière (adaptation originale de Georges Forestier), mise en scène par Matthieu Roy. En 2023 il reprend son spectacle de répertoire J'ai pas fermé l'oeil de la nuit qu'il jouera jusqu'à sa mort tous les mois de novembre.

 

Transmission et pédagogie

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Outre l’accompagnement et le parrainage d’une nouvelle génération de conteurs et conteuses qui explorent d’autres formes de l’oralité, Yannick Jaulin met en œuvre à Pougne-Hérisson, des stages et des cycles de formation. Il délivre également au travers de Moocs en ligne et d'une web-série – Le Mooc à Jaulin et Kétokolé – un abécédaire des mots et des expressions en poitevain-saintongeais. Il réalise trois albums de contes et publie régulièrement des livres en direction de la jeunesse : La Papote, Coline ou les couleurs du temps, La Cheneuille et d’autres.

 

Direction artistique

La légendarisation d’un territoire

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En 1986, il découvre dans les Deux-Sèvres le village de Pougne-Hérisson dont il fera le chef-lieu de ses mythes et d’une légende qui va s’écrire avec le temps. Quatre ans plus tard, il y inaugure le Nombril du Monde, biennale iconoclaste tournée autour d’une joyeuse légende ombilicole. En 2004, l’aventure évolue en Jardin des Histoires, un jardin sonore unique, haut lieu de l’oralité avec une saison culturelle, un pôle pédagogique, lieu de ressources, de formations pour amateurs et semi-professionnels, et d’accompagnement aux conteurs à travers plusieurs dispositifs. Responsable artistique depuis la création, il a codirigé le Nombril du monde en compagnie d’Olivier Allemand de 2014 à 2018. Il est actuellement membre de l'ONUuuu aux côtés de Fred Billy, Titus, Anne Marcel, Stéphane et Eric Pelletier, et Najoua Darwiche.

 

[1] J’ai pas fermé l’œil de la nuit – 2000 mis en scène par Wajdi Mouawad

[2] Menteur – 2003 mis en scène par Wajdi Mouawad, en compagnie du multi-instrumentiste Camille Rocailleux

[3] Terrien – 2007

[4] Le Dodo – 2010

[5] Conteur ? Conteur – 2012

[6] Nous sommes tous nés d’un récit – 2014

[7] Comme vider la mer avec une cuiller – 2015 mis en scène par Matthieu Roy

Galerie Photos

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