Yannick Jaulin

24 juin 2020

Molières 2020 : "Un discours comme si je l'avais eu"

Au lendemain de la révélation des lauréats des Molières 2020, nous souhaitons vous partager ce discours tenu par Yannick hier soir à Rennes et publié ce jour sur Facebook.

Merci à Sébastien Acker de La Nouvelle République pour son article témoignant de ce discours ! Extrait :

"Au centre de la belle salle du Magic mirrors [du MeM] où il figure parmi les administrateurs - il est installé à Rennes depuis une quinzaine d'années quand il n'est ni en tournée ni à Pougne-Hérisson - Yannick Jaulin a tenu parole. Pas de Molière pour lui puisque le conteur poitevin a été devancé par Pierre Richard dans la catégorie « Seul/e en scène » pour Monsieur X, pièce de Mathilda May, mais ces mots-frissons : "J’aimerais le dédier à toutes celles et ceux qui ont souffert de ceux qui savent", a-t-il notamment lancé."

Yannick nous fait le plaisir de nous partager le discours écrit :

"Oh comme o me fait pllési

Bounes gens

Je pensais n’avoir aucune chance aux autres artistes de ma catégorie tous si talentueux : Noémie, et les deux Pierres

Je leur adresse toute mon admiration, toute mon amitié :

Le fait d’avoir été reconnu et choisi par la profession est pour moi, la plus grande surprise. Parce que je sais que la plupart de vous qui votez n’avez pas le temps d’aller voir les spectacles. Il a donc fallu que la rumeur aille jusqu’à vous. C’est formidable, parce que c’est un pas de côté, une expédition vers des terres inconnues.

Cette singularité que je porte depuis le départ, j’ai mis tellement de temps à la faire respecter. J’ai pris tellement de râteaux, tellement….

Il en faut du temps pour faire entrer dans la norme, ce qui paraît anormal jusqu’alors, ce qui ne fait pas partie de la famille.

C’est je crois la première fois qu’un spectacle traitant des langues minoritaires est honoré en France

C’est je crois la première fois qu’un spectacle d’un conteur est honoré dans une autre catégorie que le jeune public.

Mes deux lubies, mes deux moteurs.

Quand il désigne la pratique culturelle ringarde, on dit le conte, quand il est fait pour vendre le politique ou la nouvelle voiture il est le storytelling, le nec le plus ultra 

Quant aux langues, je pense  bien sûr à ces générations de femmes et d’hommes, en France, dans les territoires d’outre mer, ou venus d’autres pays, humiliés, dévalorisés, présentés comme des demeurés, parce qu’ils ne maitrisent pas le français.

Ces humiliations tatouées dans les mémoires ne peuvent disparaître sans être mises à jour.

Je pense à tous ceux des banlieues dont les parents ne transmettent pas la langue par nécessité d’effacer les origines, évitent de la parler en dehors du cercle familial pour éviter la honte.

La honte le plus sûr moyen de ne pas transmettre.

La Honte de parler sa langue maternelle !

Mais la langue maternelle est le moyen le plus sûr de lier les pensées et les émotions, (les mots sont des flotteurs etc), de remettre un humain en lien avec le plus profond de lui.

Et on ne peut espérer intégrer en humiliant mais plutôt en reconnaissant la richesse de l’autre.

Nous avons une telle richesse linguistique dans ce pays que tout le monde devrait être bilingue et fier de l’être.

J’aimerais dédier à toutes celles et ceux qui ont souffert de l’arrogance de ceux qui savent.

Il n’y a pas de petits savoirs

Pas de petites langues

Pas de petite culture

Il n’y a que pouvoir et volonté de domination

Toute personne obligée de parler uniquement la langue des maitres sans en maitriser les subtilités reste un serviteur.

Je suis toujours étoumzi de voir cette France si attachée à l’universalité incapable de respecter les richesses de ses territoires.

La France et ses représentants gardiens du temple de cette langue mondiale déchue pilier et ciment de notre République.

La France meilleure ennemie de la francophonie.

Assteur que les sciences cognitives ont validé l’intérêt du bilinguisme, peut-être vient le temps nouveau des langues inutiles. Parce que l’inutile est une vertu cardinale dans nos sociétés matérialistes et si ce confinement a permis de renouer avec l’inutile de la vie et ses bienfaits alors tout est encore possible.

Encore que. Vous savez sans doute que toute langue est porteur de culture et donc de richesses. « On connaît des groupes humains pauvres on ne connaît pas de langues pauvres » Je pense là à ces 28 langues kanak de Nouvelle-Calédonie qui regorgent de connaissances en particulier médicinales. Une langue qui disparaît c’est un peu de savoir commun anéanti, une transmission qui s’arrête et ce spectacle est un spectacle sur la transmission.

Je voudrais remercier mon complice Alain Larribet (oui parce que c’est aussi un seul en scène où nous sommes deux) le Béarnais du monde qui raconte la même histoire que moi mais avec sa musique magique.

Toute l’équipe magnifique et dévouée qui m’accompagne en création en tournée, Laurent, Fabien, Guillaume, JB, Fabrice, et puis Isabelle Barbara, Olivier, cette gueroée de bias monde qui dans l’ombre s’active à furgonner pour que le fu flambe.

Olivier Poubelle et Asterios spectacle qui m’a contre vents et marées basses toujours soutenu, encouragé, tancé

À mes quatre filles qui sont mes points cardinaux et ma boussole, à mes parents qui m’ont transmis la langue et ce qui a grandi en ma…

J’ai cette chance d’être un artiste qui continue de fréquenter à la fois les gros théâtres et les granges, salles défaites. J’y ai conquis un public si fidéle que c’est lui qui m’a fait pousser les ailes dau bel osia qu’i sae

Merci

I vous aime fort"

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